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samedi 19 juillet 2014

Peut-on décoloniser DANS la France ? Un paradoxe calédonien de plus !

A l'orée de cette dernière mandature de l'Accord de Nouméa, pressés par une échéance qui approche irrémédiablement, leaders politiques calédoniens, membres du Gouvernement français, experts juridiques, s'échinent à ébaucher des solutions dans des termes non dichotomiques.

Je suis un peu perdu ! Et comme souvent, j'ai plus de questions que de réponses... Mais il n'y a pas de réflexion sans questionnement, n'est-ce-pas.

Oui, peut-on décoloniser DANS la France ?
Et puis, qu'est-ce que: "accéder à la pleine souveraineté", avec ou sans la France ?
Peut-on "partager la souveraineté" ?
Aurait-on résolu alors une sorte de "quadrature du cercle" sociopolitique ?

Un historien calédonien, Frédéric Angleviel, en fait le titre de la dernière partie de son livre: "Histoire illustrée de la Nouvelle-Calédonie"; la troisième partie: "Aujourd'hui, de l'autonomie à une décolonisation dans la France".
M. Gaël Yanno plaide au Comité de décolonisation des 24 de l'ONU pour une solution dans la France, tout en revendiquant une majorité de "Calédoniens" contre l'indépendance ! 
Quid de la revendication spécifique des Kanak ?
Accessoirement et implicitement, M. Yanno reconnaît ce Comité des 24 et reconnaît qu'il y a eu colonisation ...
Bref, tous les partis "anti-non-indépendantistes" prônent une sortie de l'Accord de Nouméa dans la France avec une grande imagination lexicale et quelques oxymores particulièrement intéressants ! 
De leur côté, les partis indépendantistes, pris entre revendication historique et pragmatisme, jonglent avec des mots qui ne veulent pas effrayer et une radicalité qui fonde leur existence et leur reconnaissance.

Nombre de questions submergent donc mon esprit:
Où s'arrête la décolonisation quand commence la néo-colonisation ?
Où s'arrête le colonialisme, quand commence le néocolonialisme ?
Où s'arrêtent les textes (les "Accords"), le Verbe (les discours politiques), quand les mentalités commencent-elles à évoluer ?
La Nouvelle-Calédonie est-elle toujours une colonie ... puisque tout le monde s'accorde à en évoquer la Décolonisation !
Peut-on décoloniser (dans la France) et laisser des flux migratoires sans contrôle ?
Vouloir construire un Destin Commun, n'est-ce-pas reconnaître qu'on en est loin ? Et subsidiairement que celui-ci passe par une décolonisation statutaire et des mentalités ?
Ces mentalités coloniales résurgentes, et récurrentes, n'ouvrent-elles pas la voie et la voix, comme un écho dialectique, à un discours anti-colonial primaire ou violent ! Sapant tout effort de dépassement de la contradiction et tout rapprochement original ...

Mais, au fait, revenons à la source des mots; qu'est-ce que décoloniser ?
Le Larousse dit: 
Décoloniser: "accorder l'indépendance à une colonie, la faire accéder au statut d'état".
Et, l'histoire des décolonisations se confond avec celle des indépendances. Réussies ou non, les indépendances ont accompagné les décolonisations !
Mais, la néo-colonisation et le néo-colonialisme a aussi succédé à de nombreuses indépendances ...

Quoiqu'il en soit, l'Etat français est bien engagé dans l'avenir de la Nouvelle-Calédonie; il n'est ni arbitre impartial, ni neutre, ni médiateur; il est puissance tutélaire, historiquement (et présentement ?) (ex-?) puissance coloniale !

Et pourtant, il me semble qu'une partie de la question, "peut-on décoloniser dans la France ?", a trouvé réponse et pourrait justifier sa forme affirmative!
L'originalité de Notre Pays, la Nouvelle-Calédonie, c'est que les Accords, Matignon-Oudinot et de Nouméa, ont ouvert une voie originale d'une forme de décolonisation:
Par le partage des pouvoirs avec les représentants du Peuple Kanak, organisé grâce au fait provincial et à la collégialité gouvernementale, entre autres dispositions statutaires et institutionnelles; autorisant les représentants du peuple Kanak à exercer ces pouvoirs selon leur vision de la chose publique.
Par l'accès des Kanak aux pouvoirs économiques et industriels.
Par la mise en place de dispositifs de formation destinés de manière préférentielle aux Kanak (400 cadres, Cadre Avenir);
Par la reconnaissance institutionnelle de l'organisation coutumière et de la culture du Peuple kanak.
Et bien d'autres mesures et dispositions ...

Pour autant, la décolonisation est-elle achevée, ou sommes-nous au milieu d'un gué dont l'autre rive s'appelle "indépendance", "souveraineté" ?
Milieu du gué avec ces mesures inabouties ou controversées:
Celle, "révolutionnaire" par essence, comme la mise en place d'une citoyenneté du Pays pratiquement illisible (si ce n'est par quelque manifestation relevant plus du folklore), contrariant sûrement et pour un moment ce processus original de décolonisation !
Celle d'un corps électoral gelé ou restreint, incomprise et contestée par les tenants d'un continuum de peuplement exogène mettant en danger, avec le temps, la place déjà minoritaire du Peuple Kanak !
...
Ou la Nouvelle-Calédonie va-t-elle écrire une nouvelle page toujours originale de l'histoire mondiale des décolonisations ?

vendredi 9 mai 2014

Provinciales 2014: fin du cycle des "Accords" et début d'un nouveau cycle, ouvert !

Il faut se rendre à l'évidence, nous vivons la fin d'un cycle: celui des "Accords", Matignon-Oudinot et de Nouméa.
Quelle que soit l'issue de ces élections, nous entrerons dans un nouveau cycle historique:
La génération Matignon-Oudinot des enfants nés après ces accords a vingt ans sans avoir connu "les événements", elle peut voter et infléchir dans un sens ou un autre l'avenir de Son Pays, Notre Pays.
Une nouvelle génération d'hommes et de femmes politiques accède aux responsabilités les plus hautes sans avoir vécu les "événements" ou en les ayant vécu par parents interposés, de loin, ou encore sans les avoir connus pour n'avoir pas été en Calédonie en ces temps-là.
Pour les uns et les autres, sans avoir vécu ces longues années de confrontation directe, dure, commencée par les occupations de terre dans les années soixante dix (*) et achevées en 1989 avec l'assassinat de Jean-Marie Tjibaou et Yéwéné Yéwéné.
C'est la réalité dans toute sa simplicité, sans fioriture !
Elle s'impose.
Les Anciens responsables politiques, doucement mais sûrement, contraints, forcés ou de leur plein gré, s'effacent ... Les anciens leaders sont fatigués mais leur mémoire, précieuse, est toujours vive, et leur expérience, unique. Celle d'une époque où la confrontation ne se faisait pas "à fleurets mouchetés"!!! ...
Certains s'accrochent encore, tandis que des nouveaux venus, opportunistes, ont compris que, peut-être, leur chance était arrivée ! Ils veulent s'affirmer ... Ils ont tant attendus à l'ombre de leurs anciens leaders !
Des femmes s'affirment aussi, nettement, avec plus ou moins de bonheur; l'ambition ne semble plus être l'apanage des hommes ! Tant mieux pour Notre Pays à qui la vision féminine (peut-être moins guerrière), manquait !
Aucune tendance, indépendantiste ou "loyaliste", n'échappe à cette règle.
Les nouvelles générations pointent leur nez donc, en votant pour les plus jeunes, ou en prenant les rênes des partis pour les quadras-quinquas.
...
C'est cette nouvelle classe politique qui aura à décider de notre sort. Sera-t-elle à la hauteur ?
En faisant "table rase du passé"? OU en s'appuyant sur notre histoire ?
En faisant preuve d'imagination et d'inventivité ? OU en répétant les erreurs du passé ?
En faisant preuve de générosité ? OU en s'imposant par la force ?
En dominant leurs égos ? OU en y étant soumis ?
A ce jour, tous prétendent sans sourciller avoir LA SOLUTION.
La modestie et l'humilité n'ont pas trop leur place dans la culture politique calédonienne actuellement.
Les slogans à l'emporte-pièce sont de sortie, massivement.
Brosser les électeurs dans le sens du poil devient un leitmotiv ! Pour ... gaaaaagneeeer !!!
...
Mais, après ces élections, quand les uns et les autres "se seront comptés" comme ils disent, sauront-ils s'élever au-dessus de la gangue politicienne, rien n'est moins sûr ...
Pourrons-nous compter sur Cynthia Ligeard, Sonia Lagarde, Gilbert Tyuienon, Jean-Pierre Djiaïwé, et sur tous ces nouveaux élus révélés avec bonheur aux dernières municipales, cette nouvelle génération qui a pris en main nombre de mairies; ou encore sur un Philippe Gomès finalement charismatique, en mal de reconnaissance "pays" ?
Nous appuierons-nous sur l'expérience des Anciens, ces Responsables politiques qui ont inventé et fait le cycle de paix des "Accords" qui s'achève ?
...
J'en suis convaincu (et le répéterai à l'envie ...), la voie est étroite, mais elle existe, pour sortir la (Kanaky-)Nouvelle-Calédonie par le haut de l'impasse où elle est en train de s'enfoncer à l'orée de ces élections et de cette "dernière mandature"!
A condition de dépasser tous ces discours jargonneux sur les référendums de sortie dont tous les qualificatifs ont été exploités !
Tant d'incompréhensions subsistent voire même refont surface ! Qu'il faudra du courage et de l'audace à ces nouvelles générations de citoyens et responsables politiques, femmes et hommes, pour inventer et assurer un avenir serein à Notre Pays et à ces habitants.
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Oublier le passé, méconnaître le passé, ignorer les différences sociales, économiques, culturelles, laisser s'installer l'exclusion, encourager les égoïsmes, laisser courir l'injustice, sous-estimer l'insécurité, méconnaître la revendication propre au Peuple Kanak, etc. pénaliseront à coup sûr toute solution d'avenir. Mais, bon, tous les candidats à diriger Notre Pays prétendent, à les entendre, prendre en compte et combattre ces méfaits ...
Rendez-vous est pris.
Tous ces candidats, vont-ils faire mentir l'adage qui dit que toute promesse n'engage que celui qui l'écoute, pas celui qui l'émet ? Peut-on faire confiance à ces nouveaux "futurs leaders" ?
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L'Histoire, je ne le sais toujours pas, à 62 ans, si elle se répète ou pas, mais ce que je sais c'est que les mêmes causes produisent les mêmes effets !
De cet avertissement, les générations montantes, ne pourront faire l'économie.
Il engage notre avenir, celui du nouveau cycle historique qui s'ouvre ...
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Bonne réflexion avant de mettre votre bulletin dans l'urne ...

(*) 1975: "Communiqué de La Conception" revendiquant "l'Indépendance Kanak" et signé par une très large majorité des représentants des organisations politiques Kanak, des plus modérés aux plus radicaux.
1977: Occupation de la propriété Devillers à Amoa (Poindimié) ...
Ce n'était que le début d'un cycle de violences grandissantes culminant avec les événements de 1984-1989, le cycle d'une émergence radicale de la revendication Kanak.
Lisez ou relisez notre histoire moderne ...


jeudi 24 avril 2014

Provinciales 2014: le bateau ivre ! Un avenir qui se cherche, un peuple oublié ...

La Nouvelle-Calédonie m'apparaît comme un bateau ivre, à l'orée de la "dernière mandature" ! ...
Avec cette question qui me taraude l'esprit: le Peuple Kanak existe-t-il (*) ?
Le Peuple Kanak existait-il, à l'arrivée des premiers "blancs" sur cette Terre que Cook appela New Caledonia ?
le Peuple Kanak existe-t-il, politiquement parlant, en 2014
Cette question peut vous paraître saugrenue, et pourtant, comme les forces tectoniques qui couvent sous un volcan, elle fonde l'avenir de Notre Pays.
...
En avril 2014, à écouter quelques leaders politiques et nombreux citoyens de Nouvelle-Calédonie, la réponse est sans aucun doute: "un peuple kanak" ? Je ne l'ai pas encore rencontré ! C'est qui ? Ceux qui sont plus ou moins bronzés ? Quelle ethnie déjà ? Une communauté comme les autres, non ?...
Il y a quelque chose de tragique, dans ce que l'on vit à l'occasion de ces "dernières" élections après tant d'années de paix; "ils" (les anti-indépendantistes) ont tous leur solution, à condition d'oublier que les Kanak existent !
Et d'abord, péremptoirement et comme un éternel recommencement ..., de dire que les indépendantistes sont minoritaires !
"Ben ça" !
 ...
Oui, mais d'omettre de dire que ces indépendantistes sont essentiellement des Kanak !
En clair, opposer indépendantistes et loyalistes, c'est opposer les Kanak et des colons; ceux arrivés dans les temps historiques et ceux qui continuent d'affluer par la faiblesse bien ordonnée de l' Etat Français ! Et de ces alliés politiques plus ou moins "loyalistes" en Calédonie ...
C'est vrai, quelques Kanak mettent un peu de "couleur" sur les listes "dites loyalistes", et ce n'est pas leur faire offense que de le constater; mais est-ce significatif ?
Pour ceux qui refusent encore de voir la réalité en face, il leur suffit de constater que dans les Provinces ou les communes où les Kanak sont majoritaires, les partis indépendantistes sont très largement majoritaires !
Alors;
Référendum "éclairé" ...
Purger l'indépendance ...
Solution consensuelle ...
Nouvel accord pour une durée à déterminer (indéterminée ?) ...
N'importe quelle solution dans le cadre de la République Française ...
Majorité contre minorité ...
Tout est-il possible, du moment que l'on ne prononce pas le nom du Peuple Kanak et qu'on en fasse l'impasse pour le "confondre" au milieu de "toutes les ethnies (confondues)" ? ...
Pourquoi n'envisagerait-on pas un référendum destiné au Peuple Kanak, reconnu peuple premier, pour savoir dans quelle proportion il serait pour ... ou contre l'indépendance de ce qui reste, à priori, son pays !
Mais, à mon humble avis, néanmoins expérimenté, tout est possible, et tout est certainement envisageable pour l'avenir (même institutionnellement) à condition que l'on reconnaisse en paroles et en actes le peuple Kanak et ses représentants !
D'une façon audacieuse, la montée du drapeau de Kanaky a été un vrai geste de reconnaissance ! (**)
...
En 1998, on a gelé le corps électoral, non pas pour éliminer des gens qui n'étaient même pas encore arrivés (!) mais pour commencer à consolider un passé commun pour envisager "un destin commun" ! Rien de plus simple ! A priori ...
Mais "on" s'est disputé sur un corps électoral glissant ... Eh oui ! Pour entériner le fait que la Calédonie devait rester une terre de peuplement où tous ceux qui y débarquaient, avaient, de fait, des droits !
Et les leaders Kanak ont lutté (pacifiquement) pour obtenir le gel du corps électoral à 1998.
...
Pendant que d'autres ont préféré geler leur mémoire ! "Avant" n'est pas reconnu !
Et trop de nos propres enfants veulent "oublier" ce passé qu'ils n'estiment pas être le leur, pour imaginer un avenir idéalisé où, une fois de plus, toutes les ethnies seraient confondues, au pire; au mieux, elles cohabiteraient béatement, parce qu'on l'aurait décrété !!! ... (Tout le monde il est gentil, n'est-ce-pas ? ...).
...
Non ! La réflexion est gâchée par:
La volonté de pouvoir,
La conquête du pouvoir,
La soif de revanche,
L'exacerbation des égos,
L'utilisation des peurs,
Le mépris de la réalité,
Les manipulations en tous genres,
Voilà ce qui nous soumet aux diktats de quelques politiciens jeunes ou vieux, anciens ou récents, mous ou "aguerris", qui fondent leurs engagements sur l'ignorance aveuglante d'une trop grande partie de leurs compatriotes !
...
Le Peuple Kanak, existe-t-il ?
La Nouvelle-Calédonie reste-t-elle une terre de colonisation ?
Êtes-vous des colons ? Des colonisés ?
Souhaitez-vous une Calédonie paisible et consensuelle ?
La réponse à ces questions détermineront l'avenir serein ou conflictuel de la Nouvelle-Calédonie !
Le reste n'est que bavardages futiles, inutiles et dangereux ...
...
N'oublions pas, les Kanak, à travers leurs dirigeants ont opté pour l'arme du bulletin de vote, plutôt que celle du fusil ou du sabre ...
Parce que la citoyenneté et le corps électoral restreint associé ne faisait plus d'eux des colonisés en leur permettant d'espérer être maître de leur destin ... et ne faisait plus de nous des colonisateurs, puisque partageant leur destin !
...
En conclusion, la préparation de l'avenir de Notre Pays passe par beaucoup d'humilité de la part de nos leaders et de chaque citoyen, par l'abandon de la langue de bois, par l'exercice d'une Parole de Vérité, où la complexité remplacerait le dogmatisme et les slogans faciles; autant de postures où le rapport de force sous quelque forme qu'il soit (électoral, militaire, idéologique ...) est banni !
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Ma vision (têtue, ce blog en témoigne) de l'avenir de Notre pays passe par cette reconnaissance enfin révélée du Peuple Kanak à partir de laquelle nous pourrons envisager de fonder autour de lui, une société véritablement consensuelle qui nous permettra de dépasser les clivages actuels et favoriser la résolution de tant de problèmes de société ( sécuritaires, éducatifs, sociétaux, sociaux, économiques, ...).
C'est mon utopie !
...
A bon entendeur; un éveilleur.

(*) Il semble que OUI, à ses propres yeux, en cette fin avril 2014, où le Peuple Kanak, à Ko-Wé-Kara, montre sa capacité d'adaptation et la vivacité de sa culture, en adoptant une charte écrite des valeurs fondatrices de leur culture ... Donc une présence revendiquée en douceur, mais fermement.
(**) La manière dont la propagande (prétendument "droit d'inventaire") de Calédonie Ensemble utilise la photo de la montée du drapeau kanak à côté du drapeau français au sénat coutumier, entourés de coutumiers et de responsables politiques calédoniens et français,  n'est pas digne (tout n'est pas bon pour gagner, surtout la bêtise). 
A contrario, cette photo illustre, de mon point de vue ce qu'il nous faudrait faire à l'échelle de Notre pays: une immense fête et un immense pilou qui rassemblerait toutes les communautés de Calédonie avec le Peuple Kanak qui danseraient autour de nos deux drapeaux ... une fête fondatrice du Destin Commun et d'un toujours improbable "Peuple Calédonien"!