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lundi 23 mars 2009

Délinquance ... Avant, il y avait moins de problèmes !?

Je souhaite ici éclairer un aspect de la problématique de la délinquance en Nouvelle-Calédonie: celui de la délinquance kanak.

Pas facile comme sujet, c'est un sujet sensible et éminemment politique, c'est un sujet sensible car il touche à la vie de beaucoup de nos compatriotes, kanak ou non; et puis je ne suis pas kanak, bien qu'ayant vécu près d'eux, travaillé avec eux, enseigné en leur milieu; et puis leur sort ne m'est pas indifférent, il ne peut d'ailleurs être indifférent à l'avenir de Notre Pays et de la communauté de destin que ce dernier est sensé abriter!
C'est un sujet sensible en cette période pré-électorale. Et c'est pour cette raison que je préfère le traiter hors de mes rubriques "provinciales 2009".
Même si "on" n'ose l'avouer que sur le bout des lèvres, l'essentiel de la délinquance en Nouvelle-Calédonie est d'origine kanak ! Non ? Quelle est la part des kanak dans la population carcérale du Camp Est ? 70%, 80% ? Et dans cette part, quelle est la part des jeunes de moins de 30 ans ? La réponse tout le monde peut la formuler ...
Mais;
Dans ce billet, c'est à
l'une des causes de la délinquance chez les jeunes kanak, trop souvent évoquée par un peu tout le monde, que je souhaite apporter un éclairage (un peu éclairé): la carence éducative de parents !
L'éducation des enfants et des jeunes dans la société kanak, jusqu'à il y a une trentaine d'année (c'est-à-dire il y a une génération), s'inscrivait dans un environnement humain (parents, oncles maternels, les fratries, les Vieux et les Vieilles), social (les clans et les grandes lignées, la tribu, le Conseil des Anciens et le Chef, les tabous et les totems) et géographique (la disposition des cases, la toponymie, les montagnes, les vallées et les côtes, les sapins et les cocotiers, La Terre ...) séculaire, malgré la colonisation et ses bouleversements. Les Eglises, avec leurs missions et leurs institutions scolaires avaient intégré nombre d'éléments de la culture kanak dans leurs enseignements et elle-mêmes étaient intégrées au monde kanak, complétant cet ensemble de repères éducatifs.
Tout cela contribuait à une éducation enracinée et rassurante de l'enfant ou du jeune; même si le contexte historique de la colonisation était, lui, traumatisant.


Tous ces repères éducatifs complexes, ont explosé !

Qu'est-il advenu, en un peu plus d'une trentaine d'année, de ce contexte éducatif en milieu kanak ?
L'Ecole laïque et républicaine a très mal remplacé les écoles des Missions (en termes éducatifs); en se rapprochant de la ville, les nouveaux parents se sont éloignés (physiquement et socialement) de leurs tribus et de ces différents environnements évoqués plus haut. Les contraintes du travail salarié, les nouveaux modes de communications (télé, internet, entre autres !) ont supplanté les Temps de La Parole entre les générations ... Au mieux les liens se sont distendus, ou devenus artificiels, au pire ils se rompus !
Les parents se retrouvent dans des squats, des appartements exigus, des logements sociaux conçus "à l'occidentale"; très loins de ces repères qui les faisaient par essence être kanak, chacun à sa place, reconnu, dans sa case, autour de sa case et loin de sa case ...

L'éducation a mal supporté cette transition trop rapide.
Le temps a manqué pour inventer de nouveaux repères adaptés à ces nouvelles situations, il était insuffisant pour intégrer les nouveaux repères, étranges, étrangers ou rejetés.
Des associations de femmes, de parents d'élèves, des conseils des Anciens dans des tribus, des institutions, se préoccupent de ces questions, y travaillent déjà.
Pas facile !
Je suis parent, quatre fois, j'ai eu une éducation "à l'européenne", teintée d'acculturation océanienne au fil de plusieurs générations; mais une éducation que je peux transmettre malgré les difficultés de la vie (divorce, remariage, soucis financiers, personnels et professionnels), à l'intérieur de schémas éducatifs stables ...
Ce n'est pas le cas de tous ces parents kanak de ma génération ou plus jeunes, confrontés, eux, à ce défi de l'éducation; comment font-ils pour transmettre une "bonne éducation kanak" avec des schémas éducatifs qui ont été bouleversés ? Quels efforts d'adaptation, d'invention sont-ils obligés d'accomplir pour permettre à leurs enfants, à leurs jeunes de rester eux-mêmes (kanak et fiers de l'être) tout en s'adaptant à cette société moderne qui s'impose à tous, sans y perdre leur âme ?

Arrêtons donc de cristalliser les problèmes de délinquance sur une soi-disant démission de la part des parents kanak; balayons devant la porte de ce soi-disant progrès qui bouscule les traditions, les cultures autochtones, pour les ranger derrière une culture uniforme stérilisante ! Peut-être que, contrainte de surmonter toutes ces difficultés (dont celle de la délinquance de jeunes), la société kanak contribuera à la fondation de cette société commune plus douce et plus respectueuse des gens et leur environnement ... Paradoxalement. Nous éloignant de cette société calédonienne dure qui porte encore en elle quelques stigmates de la société coloniale et des rapports coloniaux dont on sort à peine.

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