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vendredi 12 août 2011

Maré: une si grande tristesse ! Et une leçon pour tous.

Maré,
J'ai mal à mon Pays.
Tant de familles endeuillées;
Tant de pleurs;
Tant de colères contenues;
Tant d'incompréhensions;
Maré,
Tant de Calédoniens se sentent aujourd'hui Maréens.

Je me sentais fatigué, avec l'envie très forte d'arrêter ce carnet de bord, à quoi bon, devant l'inutilité ou la vanité de la tâche, la puérilité voire la futilité de l'expression face à cette réalité calédonienne impossible à circonscrire...
Et pourtant, difficile de s'abstraire de la réalité trop souvent douloureuse de Notre Pays ... Quand on l'aime, lui et ses gens !

Je n'ai pas de leçon à donner et n'en donnerai pas; mais il y a une fois de plus UNE leçon que je tire de ces événements douloureux et dont, en toute modestie, ce blog se veut une expression têtue; une leçon pour TOUS, acteurs politiques, économiques, sociaux, ou encore intellectuels, qu'ils soient simples citoyens "de base", ou en charge de responsabilités de tous niveaux: c'est que nous devons aborder les problèmes de Notre Pays avec beaucoup de simplicité (posture synonyme pour moi d'humilité où l'égo se fait discret) et dans leur complexité (en termes d'analyse et de résolution de problèmes en termes également de solutions à proposer).
Le drame de Maré en est une illustration où se téléscopent nombre des problématiques de la société calédonienne...
Et je dédie cette réflexion à nos frères et soeurs de Maré comme à nos gouvernants, responsables politiques, économiques, coutumiers, syndicaux, éducatifs et religieux ... Et à tout un chacun, cet anti-chacun antithèse de celui du "chacun pour soi" ou "du chacun chez soi" !


La situation calédonienne est complexe; les "Faut qu'on", "Ya qu'à", "Si l'on" et "Pitucé"(*) ne devraient pas y avoir leur place ! Ils nous submergent pourtant dans les médias ou les conversations privées ...

Car rien n'est simple en Nouvelle-Calédonie. Quelques exemples "survolés" (par nécessité du genre présent) de cette complexité des questions ou problématiques qui traversent Notre Pays:
Les conflits de légitimité des pouvoirs en tout premier lieu.
Dans un royaume le pouvoir vient du sang; dans une dictature il vient de la force (armée). En démocratie, le pouvoir vient de celui qui le délègue, l'électeur mais parfois, insidieusement, de l'argent; dans une chefferie kanak le pouvoir vient du sang mais aussi de la terre. Et peut-être pourrait-on se poser la question du pouvoir dans la famille, oui mais quelle famille ? Et pour certains, beaucoup, de nos jeunes, quel(s) pouvoir(s) sont-ils prêts à reconnaître ? ...
Les conflits de légitimité des pouvoirs minent la société calédonienne.
Les conflits d'intérêts économiques et de développements.
Le "tout nickel" qui fonde l'essentiel de la richesse de la Calédonie avec les transferts financiers de l'Etat dont l'index de correction est un avatar coûteux ...  Trois usines sur notre petit archipel, dame Nature est généreuse dans sa terre rouge, mais tous ses "enfants" endémiques, verts forêts ou bleus lagons, vont souffrir ! Comment les (ré)concilier ? Imagine-t-on sérieusement d'autres développements alternatifs possibles ?
Les conflits d'intérêts économiques sapent le développement économique équilibré de la Nouvelle-Calédonie.
Les confusions entre des genres parfois (souvent ?) contradictoires.
Etre homme (ou femme) politique élu et grand patron par exemple; être chef coutumier et leader politique (choix cornélien de l'électeur qui est sujet !); être responsable syndical et patron; etc. ... Même si ces genres parfois contraires sont recevables, leur confusion participe grandement à rendre encore plus complexes voire inextricables nombre de situations politiques, sociales, économiques ou "sociétales" en Nouvelle-Calédonie.
Toutes ces confusions entre les genres troublent la vision politique de Notre Pays.
Les juxtapositions parfois confrontations de cultures et d'histoires.
Nous n'avons pas de culture commune, il faut bien le reconnaître. Même si l'Ecole transmet "de" la culture française ! Peu d'acculturation(**) en réalité, j'évoque celle qui ne se satisfait pas d'un week-end "découverte" même si cette démarche est utile d'un point de vue purement touristique ... Doit-on continuer à se satisfaire de cultures qui se côtoient même pacifiquement (ce qui n'est déjà pas si mal j'en conviens) ? Le constat reste que la richesse issue d'une diversité culturelle exceptionnelle ne parvient pas à générer une "créolité kanako-néo-calédonienne" qui serait le meilleur gage d'un destin partagé ...
Ces confrontations de cultures différentes en Nouvelle-Calédonie freinent encore trop l'essor d'une culture commune. 
Les rapports sociaux tendus.
Les conflits sociaux ne sont-ils pas avant tout des conflits de société(S) ... Quand ils ne dégénèrent pas en conflit de personnes !
Des rapports sociaux tendus par des écarts de revenus inconsidérés trop peu compensés par des fiscalités, directe et indirecte, équitables qui feraient payer plus aux plus fortunés pour une meilleure répartition de la richesse produite par le Pays ou une meilleure redistribution au profit de tous !
Et donc (dans le cas du conflit d'Aircal) une prise en compte par le Pays et non par une seule collectivité ou une entreprise de la continuité territoriale (je parle de la vraie, celle qui concerne les déplacements à l'intérieur de notre archipel).
Des rapports sociaux tendus sur le marché du travail où la problématique de l'emploi local butte sur une citoyenneté en berne et une formation initiale incapable d'élever le niveau de compétences de l'ensemble des jeunes calédoniens, et en particulier de ceux qui ont le plus besoin ...
Des rapports sociaux, donc, souvent tendus en Calédonie et qui continuent à perturber la recherche d'une harmonie sociale; comme un rêve impossible à réaliser ?
Les paradigmes éducatifs si divers et différents.
Tant de questions sur ce plan-ci ! Et tant de réponses diverses parfois opposées ...
Les valeurs transmises au sein des familles, petites ou grandes, métropolitaines, wallisiennes, kanak, caldoches, vietnamiennes, etc., au sein des clans aux Iles ou sur la Grande Terre, sont-elles les mêmes ? Met-on les mêmes gestes, les mêmes mots derrière le mot "respect" par exemple et en infra celui de "politesse" ?
Et, jusqu'à quel point l'Ecole déforme-t-elle plus qu'elle ne forme en termes éducatifs ? Quand la scolarisation entraîne la désocialisation (pour un enfant kanak qui quitte sa tribu par exemple) et quand l'échec de la "socialisation scolaire" entraîne une déscolarisation destructive ...
Ces paradigmes éducatifs parfois trop différents qui rendent difficiles la compréhension de l'Autre et l'ouverture vers l'Autre ...

La complexité est partout présente en Nouvelle-Calédonie, au niveau des individus et dans les relations qu'ils entretiennent jusqu'au niveau de la gouvernance de Notre Pays. Toutes les problématiques, politiques, économiques, sociales ou sociétales, éducatives, culturelles, relationnelles, doivent l'intégrer pour promouvoir une société calédonienne plus équilibrée et juste, plus sereine enfin.
La complexité est partout présente mais trop de solutions apportées à ces problématiques ne sont que des solutions partielles, ou simplistes ... On ne traite quasiment systématiquement que les symptômes ou les conséquences rarement les causes des maux calédoniens ... Alors, l'impression de piétiner ou de retour en arrière persiste et plombe notre moral.

Et pourtant, les Accords de Matigon-Oudinot et l'Accord de Nouméa sont des modèles de solutions politiques complexes répondant à une situation politique calédonienne complexe !
Face aux problèmes de la société calédonienne qui perdurent, j'ai bien l'impression que c'était TROP GRAND ! Nos responsables politiques et nous-mêmes, citoyens de base, n'avons pas été à la hauteur du défi que comportait ces Accords !

C'est ce qui avait motivé ce blog que j'avais voulu illustrant cette complexité pour prendre mes distances, autant avec les experts "en tout et n'importe quoi" (***), qu'avec la politique, trop politicienne ("pirandellienne"(****)) à mon goût. 
Engagé en politique je n'ai jamais pu penser que j'avais et mon parti avec moi, complètement raison et les partis adverses complètement tort ... C'est dur de faire de la politique avec une telle posture intellectuelle et c'est pourquoi j'assume mes contradictions (je les cultive même, et certains billets en sont un témoignage ...) comme une part vécue de ma réalité calédonienne. Mais aussi comme une porte ouverte sur la complexité des choses calédoniennes et son appréhension.
CAR;
Pour une complexité bien comprise:
La complexité ne signifie pas la complication des choses;
La complexité n'entraîne pas l'inertie, ni l'inaction;
La complexité, c'est l'approche globale des choses selon Edgar Morin.
La complexité c'est le paradigme du LIEN et de la mise en RELATION.
La complexité engendre l'ouverture d'esprit et nécessairement une attention à l'Autre;
la complexité enrichit l'action !

(*) "Héros" d'une petite bande dessinée du journal "Le Monde" il y a de nombreuses années.
(**) Acculturation : processus par lequel un groupe humain assimile tout ou partie des valeurs culturelles d'un autre groupe humain.
(***) Depuis le temps que ces experts nous étudient et nous scrutent ainsi que la société calédonienne que nous formons pour proposer des solutions à nos problèmes, le paradis ne devrait plus être loin ! 
(****)De "Pirandello" qui a écrit une pièce de théatre: "Chacun sa vérité".